GE
? un peu plus loin, trois petits chérubins timides déguisés en monstres, bredouillent une chansonnette dans une pizzeria bruyante. Tendent, hésitant, leur sébile.
« Pourquoi vous êtes déguisés comme ça ? »
« C'est palowine, M'sieur. »
« Ah bon ! Et c'est quoi Palowine ? »
« Ca sert à faire peur M'sieur. »
« Allez plutôt voir LE RUBAN BLANC, mes mignons, si vous voulez avoir peur. » ai-je murmuré en donnant une piécette. Mais personne n'a entendu.
Watson Blackwood, un film, une production helvético-judéo-chrétienne :
C'est l'histoire d'un vertueux magistrat de gauche, pourfendeur d'inégalités, marié à une épouse dévouée, rencontrée dans sa jeunesse à la permanence syndicale où elle s'occupait du nettoyage des bureaux. Cet homme engagé, à première vue intègre, se révèle être un adepte forcené de sado masochisme. Lors d'une négociation avec une banque de la place, il tombe amoureux d'une gestionnaire de fortune roumaine qui vient d'une famille pauvre. Fille de père et de mère illettrés, elle s'est jurée devant la tombe de son amant piétiné par une vache pris d'un inexplicable accès de folie, de réussir sa vie, et prendre sa revanche sur le destin en montant une usine de corned beef, en Roumanie, une fois fortune faite. Mais le destin est cynique, cruel : le magistrat de gauche adultère promet à chaque fois le mariage à son amante roumaine pendant les préliminaires amoureux, pour s'en dédire, invariablement, après. Entre en scène un magistrat de droite que l'amoureuse éconduite va séduire pour faire chanter son amant de gauche. Elle lui demande de les filmer lors de leur relation sexuelle. L'amant de gauche ne peut jouir qu'en se faisant cravacher, tout en lisant Mein Kampf. Mais voilà que le magistrat de droite, terriblement excité par la scène, sort de l'armoire où il est caché, jette sa caméra sur le tapis, se mêle au couple et tombe amoureux du magistrat de gauche. La révélation de leur latente homosexualité dans une scène sodomite filmée avec un doigté à la Godard rend la gestionnaire roumaine folle. Se sentant doublement trahie, elle décide alors de se venger. Elle met en place un réseau de crapules qui utilisent leurs enfants pour faire l'aumône dans les rues avec le dessein de miner les institutions politiques. Elle actionnera de manière très perverse le couple responsabilité/culpabilité des hommes politiques de tout bords qu'on verra s'entredéchirer au Parlement?
La machination semble réussir. Alors que l'expulsion musclée des mendiants est à l'ordre du jour au Parlement, la confrontation dégénère en pugilat. Les parlementaires de gauche s'en prennent à ceux de droite, ceux de droite aux verts à qui ils reprochent leur molle neutralité. L'affrontement tourne en mêlée. Sous cette masse humaine mouvante, dans les bras l'un de l'autre, les vêtements en lambeaux, les deux hommes politique de gauche et de droite s'embrassent fougueusement en pleurant. Puis d'autres, à moitié nus, s'embrassent aussi. Le pugilat se transforme alors en une immense orgie de corps nus emmêlés. Les "oui", les "je t'aime", les "encore" fusent vers le plafond?
Séquence finale : Par la fenêtre on aperçoit le ciel s'illuminer du grandiose feu d'artifice des fêtes de Genève (dont l'invité d'honneur, cette année, est la Roumanie). Les ténèbres flambent, la liesse se lit sur les visages. Générique de fin.
Télérama : Oui, il existe un cinéma suisse après Godard !
Polanski : Si je dois choisir entre fiction et réalité, je choisis la Suisse.
Siné Hebdo : On peut pas rire de tout, parce qu'on risque de le payer très cher un jour.
Septembre 2001 :
?au moment où j'apprends par la radio que les tours sont tombées, la circulation en ville de Carouge s'engorge. Je dois freiner un peu brusquement et un des enfants que je transporte pour foyer handicap glisse hors de son siège. En lui venant en aide, son regard se superpose au mien, me bouleverse. Je décide alors d'écrire PAIX sur une feuille de papier que je colle contre le pare-brise de mon bus. Mon patron me fait une remarque, me demande de l'enlever. Ce que je ne fais pas. Pour moi cette proclamation est essentielle. Deux semaines plus tard, je suis renvoyé.
C'est cet évènement qui m'a décidé de prendre la route. J'ai traversé 77 pays et récolté 80'000 signatures pour ma pétition mondiale pour la Paix?
A suivre?
?faire claquer l'instant décisif (photographique!) comme une corde à piano demande du doigté, de l'entraînement. Je m'y essaye d'abord avec des pigeons qui se chauffent au soleil, les talonne, leur cours après, mais sans grand succès. Me voilà aux aguets, me rapproche d'un allumé en jeans vert pomme assorti à ses lunettes faire une déclaration à la vie par portable interposé. Je suis sûr qu'il fait semblant, se parle à lui-même, j'en oublie de déclencher? puis un peu plus loin à la terrasse d'un café, aperçois l'Aigle de la route, terreur du quartier, s'envoyer un pichet? me rapproche de lui à pas feutrés, dégaine mon petit S90 et déroule mon bras langue de caméléon, déclenche?
Je vous laisse deviner la suite.
Froissement des étoffes. Pas un mot. Presque une danse à trois, un peu molle. C'est le scintillement glacé des menottes qui rend d'un coup la scène brutale - et rend flou mon désarroi.
La ville?
?et ses pigeons, ses vendeurs de salades, ses macros aux canines étincelantes. La ville et ses troupeaux de consommateurs chargés de cabas, ses bataillons de contractuels, de vigiles, de flics, ses trottoirs usés par les balayeuses. La ville et ses artères encholestérolées par les bagnoles. La ville et son dernier cinéma porno « version française ». La ville, décidément, enchantera inépuisablement mon regard. Mais jamais autant que les vagues de la plage de Palombaggia.
Savoureux petit-déjeuner dans un paysage carte postale.
A Sanary les bateaux des pêcheurs sentent le neuf, pas la mer. Les fruits du marché sont beaux comme sur les photos du magazine Plein-Sud, et la tomme de brebis est à presque 40 Euros le kilo.
Jeunes ados débarrassés de leur chrysalide s'essayant à l'envol hors de l'enfance?
Buisson ardent.
Petit-déjeuner paisible. Il faut le souligner. Pas même une abeille pour mettre un peu d'ambiance.
Voyager, c'est changer le slip à son point de vue. (Le string pour certains?)
Pin tenace donnant une magistrale leçon aux Akoibonistes*
*un akoiboniste est quelqu'un qui abuse de l' à quoi bon?
Le soleil se promène sur la nappe entre miel et confiture.
Vu une étoile filante trop belle hier soir sur la plage � dit mon fils.
J'ai du sable dans les cheveux, réplique Emilie
Des étoiles plein la tignasse que le vent pourrait peigner.
On fait vibrer les baffles avec Chinese Man records à fond de berzingue.
Christine s'agace. On pourrait pas juste écouter le silence, couper la musique.
Enchaîne :
Passe-moi le beurre !
Ce que je fais, en mâchant mon pain, puis m'échappe derrière la haie de mes pensées
Pense à Carver, à La Vitesse Foudroyante du Passé, à la banalité poétique de ses points de vue, banalité qui me remue pourtant parce qu'elle rejoint la mienne.
Mais ma fille qui a dans la tête un carrousel de systèmes solaires en mouvement me ramène à table : les étoiles filantes, c'est des étoiles qui meurent ?
Et se délecte de Nutella.
Alors que j'étale mes pauvres savoirs au sujet des météores et autres aérolithes, je ne peux m'empêcher de regarder des ombres de feuilles danser sur une jarre�
Le vent rugit
Bouscule le ciel, les arbres, mes cheveux, la mer
Une procession de naufragés enveloppés de sacs de couchage, de linges bariolés et de bâches plastique, remonte de la plage.
Sans un mot.
« Ca va les enfants ? »
« Ouais.»
« Comment c'était ? »
« Bien? »
La table du petit-déjeuner est mise. Le pain, chaud, sorti du four. Les naufragés s'assoient, tendent machinalement leurs mains vers les bols, la confiture.. .
« Alors ? »
« Alors quoi ? »
Mais fiche leur la paix, lance Christine, en plus t'as mangé tout le beurre.
Je plonge mon nez dans mon café en me rendant compte comme cet « Alors ? » est malvenu, stupide.
Les mômes mâchent. Je me tais. Le naufragé c'est moi.
Coquettes sur un mur?
Lundi pique-nique. Mardi pique-nique. Mercredi pique-nique. Jeudi pique-nique. Vendredi pique-nique. Samedi pique-nique. Dimanche pique se repose?.
J'ai vu un homme pleurer à la poste, probablement bouleversé par ce qu'il venait de lire dans la Tribune de Genève, qu'il avait sous le bras :
Sarah Ferguson croule sous les dettes. Marie-Claire : J'ai ressorti les habits de l'année passée. Comment punir les chauffards ? En retirant le permis. Coussin anti-solitude. Les papillons d'Hawaii ont de l'imagination. Maxi épaulettes, ceinturons, clous et cuisardes : vous n'y échapperez pas. Conseil : recettes pour avoir un bébé. Messieurs, ne craignez pas le téflon. Shana P. doit (aussi) une fière chandelle à Vitaa?
Dehors, le vent soulève les jupes des nuages.
"Ce qu'on mange bien ici?"
"T'en as de la chance, t'es un veinard!"
Lucy in the Sky with Diamonds.
Amis de toujours, crème de dattes, historiettes joyeuses.
Alain fête ses soixante ans, entouré de ses amis!
Alex fête ses 40 ans enveloppée dans sa robe de mariée !
Nico vernit son Calvin.
"Ma moto, elle pèse 475 kilos?"
Au coeur de la ville, la vie se débat, s'accroche avec conviction à si peu - comme l'alpiniste suspendu d'une main à un piton dans la face nord de l'Eiger - qui n'aurait ni perdu son sourire, ni l'espoir d'arriver en haut?
Le Matin bleu va disparaître !
« C'est dommage parce qu'il avait une météo très complète ».
Le Matin bleu a disparu et est remplacé par des poubelles.
« C'est dommage j'aimais bien la chronique People ».
Le matin bleu est mort.
« Ah bon?»
Cosmos bousculés par le vent.
I said : Whats's going on?
Nobody answered and I just split the scene.
Arles, la belle décatie?