GE
Il est trois heures du matin. Avec sa lampe de poche, il scrute le magasin désert, circule entre les étages. A un peu plus de vingt ans, c'est comme Securitas, en travaillant la nuit, qu'il gagne son argent pour compléter ses études. Pas de portable ni GPS à l'époque. Il doit enfiler une petite clef suspendue derrière un radiateur dans un appareil qu'il porte sur lui pour valider son passage. Il dort parfois une demi-heure, avant de monter à l'étage suivant. Une nuit, pareille aux précédentes, il s'engage sur l'escalator immobilisé, arrive au quatrième quand tout à coup un rugissement déchire le silence. Il se trouve nez à nez avec un lion.
Il ne rêve pas. Le faisceau de sa torche fait briller les yeux du fauve. Il dévale alors l'escalator, terrifié d'être poursuivi par l'animal, se réfugie dans un bureau et téléphone à la centrale. Un lion, un lion se promène au quatrième étage du magasin...
Nous sommes aux Epis d'Or, au centre de Genève.
La voix au téléphone lui demande de retrouver son calme : n'avait-il pas lu la note déposée dans son casier qui annonçait la présence d'un lion en cage dans le grand magasin ?
Il n'avait pas lu la note par insouciance, ni vu la cage par terreur... il n'avait vu que le lion et en parle encore 45 ans plus tard.
[Francis Traunig]