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Par les rouflaquettes de Saint-Joseph, quelle légende pour l'image ?
Les mots, le texte noient le propos, font fléchir la tension, ramollissent le mystère. Les mots, risibles cataplasmes de l'insatisfaction photographique ?
Ceci est un avion, une meule de foin, une fourchette⦠un poil léger. On voit bien la meule, certaines sont prodigieuses, mais enfin faut-il à l'image d'un sapin rajouter le mot sapin ?
Ecrire ici : portrait d'un homme â c'est con. On voit bien un homme, barbu. Barbu comme un khalife oriental. C'est ce que cache la barbe que la légende devrait nous aider à découvrir. Alors peut-être écrire : Quoi sous la barbe ? Ou : Qui se cache sous la barbe ?
Mais la barbe est peut-être un leurre. Une coquetterie d'homme mûr qui fait croire qu'il pavoise viril alors que c'est un tendre. Peut-être. Peut-être pas.
Pas simple.
Alors voilà un homme barbu, mûr, qui regarde le photographe et sait qu'il pose près du mot SANDALE et ça le fait sourire légèrement. Mais peut-être n'a-t-il pas vu SANDALE. Mais pourquoi sourit-il ?
Il pense peut-être au rêve qu'il a fait la nuit passée ?
Peut-être se dit-il : Essaye toujours. Photographier est plus vain que de faire rebondir des galets sur l'eau. Mais le sais-tu, orgueilleux.
Peut-être se dit-il : Vivant. Me voit-il vivant celui qui me fait face alors qu'avec du présent le photographe toujours fait du passé.
Peut-être est-il femme et que personne ne le voit.
Peut-être a-t-il un dé blanc dans la poche qu'il triture est se dit : Plus tard je vais le lancer. Et si c'est un 6 je réinvente ma vie !
Peut-être que rien. Simplement. Ça serait drôle.
Peut-être â¦
[Francis Traunig]