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AU PAYS DES MONTAGNES BLEUES (10)
Le matin suivant, loin d'avoir été sacrifiés à une divinité assoiffée de sang, les deux Anglais ne purent se convaincre de l'injustice de leurs soupçons. Après avoir frotté leurs pieds malades avec un certain onguent fait d'argile molle et d'herbes juteuses, les Badagas enveloppèrent les deux chasseurs dans des couvertures et les endormirent littéralement au-dessus de la vapeur tiède de la source. Réveillés le lendemain, les Anglais éprouvèrent un bien-être extraordinaire dans tout le corps et plus spécialement une grande force dans les muscles.
Dans l'après-midi, ils étaient si bas sur le versant qu'ils eurent chaud de nouveau ; les Anglai remarquèrent alors qu'ils avaient dépassés le niveau des brumes et se trouvaient déjà dans la région de Coimbatore. Juste au coucher du soleil, ils sortirent du bois et rencontrèrent bientôt les Coimbatorois des villages disséminés au pied des Montagnes Bleues. Mais les Anglais ne purent pas présenter leurs guides. Ayant aperçu de loin les paysans revenant de leur travail des champs, les Badagas disparurent instantanément, bondissant d'une roche à l'autre, telles une troupe de singes épouvantés. Les Anglais miraculeusement sauvés restèrent seuls de nouveau. Ils interrogèrent les villageois et surent que les Badagas venaient de les descendre tout près de Malabar, diamétralement opposé de Coimbatore. Toute une chaîne de montagnes les séparait de la cascade et du village qu'ils avaient quitté une dizaine de jours auparavant. Le lendemain matin, ils se procurèrent des chevaux et arrivèrent enfin vers le soir au village d'où ils étaient partis. La nouvelle du retour des Anglais blasphémateurs, revenus de la demeure des dieux se répandit dans le village et les environs avec la rapidité de l'éclair.
[Jean-Louis Claude]