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'Certains meurent avant même d'avoir passé la porte
Du couloir qui comporte cette pression étrange
Certains meurent avant même de savoir, juste un peu,
La saveur de ce jeu de n'être plus un ange
Certains meurent dans des ventres
Certains meurent juste après, encore mouillés de ça,
Quand on les pose là au froid de la ruelle,
Certains meurent juste après, sur le corps essoufflé,
Dans les bras déchirés de leur maman si belle,
Certains meurent dès qu'ils entrent
Certains meurent tout gamins, d'être des riens du tout,
Des gens nés sans le sou sur qui l'on tire à vue,
Certains meurent tout gamins, fauchés par le brouillard
D'un chauffard, d'un soulard qui passait dans la rue
Certains meurent encore tendres
Certains meurent en plein feu de leur jeunesse ouverte
Un képis sur la tête pour un vieux président,
Certains meurent en plein feu de leur adolescence
Pris d'un coup de démence, ils se pendent au plafond
Certains crèvent d'apprendre
Certains meurent pour que dalle, d'une piqûre de bête,
D'une pierre sur la tête, le hasard les reprend,
Certains meurent pour que dalle, d'être allés s'éclater
Aux vitres des cités en gueulant 'Dieu est grand!'
Certains meurent sans comprendre
Certains meurent et reviennent, tout éblouis de là
D'avoir goûté la joie, mais de l'autre côté
Certains meurent et reviennent, en riant aux éclats
A cette peur qu'on a de voir tout s'effacer
Certains meurent sans qu'ils tremblent
D'autres meurent de tristesse, tout imbibés d'alcool
Suivant le protocole qu'on leur a inventé
D'autres meurent de tristesse, sans se donner le temps
D'arrêter, un instant, leur vie conditionnée
Certains se croient de cendre
Et les larmes me viennent quand je te perds encore,
Moi qui serrais ton corps que je croyais tenir,
Oh les larmes me viennent, mais je laisse le marbre
Et je cours dans les arbres, et je te crois venir,
Souriante descendre
Vu qu'on meure tous les jours, qu'on meure à chaque instant
Quand on crache le vent qu'on a dans nos poitrines,
Vu qu'on meure tous les jours, qu'on meure et qu'on revit
Autant laisser la vie être, autant qu'on s'incline
Je veux t'aimer la cendre
Certains meurent et reviennent, tout éblouis de là,
D'avoir goûté la joie, mais de l'autre côté
Certains meurent et reviennent, en riant aux éclats
A cette peur qu'on a de voir tout s'effacer,
Certains meurent sans qu'ils tremblentâ¦
Et je t'aime la Cendre.'
K
[Elise Grandjean]