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à la fin des trois jours réglementaires, l'armée ayant décidé que sa mort n'avait rien de suspect, le corps de Superwoman fut placé sur une lourde barque taillée dans un bois doux et léger comme du chocolat blanc
bien sûr, les amis présents venus pour le deuil n'avaient pas une touche très rassurante - aucun d'entre eux n'avait négligé de prendre ses armes
moi j'étais là en quelque sorte à titre de collègue - après tout nous étions tous les deux des EX sauveurs de l'humanité, elle un peu plus ex que moi puisque je vivais encore
je n'allais pas me tirer lâchement par pudibonderie pour quelques fachos médiatisés
la barque l'emmena sur le marais voisin de la centrale nucléaire désaffectée, les plus fidèles de ses amis décidés à sombrer avec elle dans les profondeurs vertes et radioactives
mais pas moi ! non merci !
je jetai sur son corps en partance une plante rachitique que mon pied venait de déraciner et lui souhaitai sincèrement une bonne traversée
entre voler avec un veston vert la main en avant tendue comme un hitler, ou voler des petites vieilles en pianotant sur sa BaieNoire, on ne sortait pas de la déprime
il décida de réfléchir à sa vie, marcha au hasard, monta l'escalier en carré dans un immeuble sombre et lourd parce qu'il s'était mis à suivre quelques étranges et se trouva dans un fauteuil devant un écran où se succédèrent diverses conneries
mais des conneries qui firent du bien
il rigola plusieurs fois, but une bière et sortit dans la nuit
il comprit qu'il était décidé à rendre définitivement tous ses pouvoirs, tous ses contrats, toutes ses cartes et tous ses abonnements
ce matin dans la cuvette de mon lavabo, crash de Superwoman qui finit cul par dessus tête en compagnie d'autres déchets en perte de sens
la veuve et l'orphelin devront attendre ...
peut-être bien qu'il ne croit plus en sa mission
ou alors c'est l'éditeur de ses aventures qui a oublié de renouveler la licence
la "question" (comme au moyen âge) crée le sens !
il n'y a pas de réponse, jamais
le sens, c'est la réponse que l'Autre NE VEUT PAS donner
faire poser l'Autre ? lui faire croire qu'il est "intéressant" ? lui répéter qu'elle est "belle" ? jouer du "on va bien s'marrer, ça s'ra cool" ?
être bon ?
avec ma kalachnikov à images, je "tue" l'Autre (il y a un dicton qui prétend que si quelqu'un rêve ta mort, ça prolonge ta vie d'une année...), je fige son image et je tente de le laisser accéder à un étage un peu au dessus, avec un peu plus de sens, avec un peu plus de mort, avec un peu plus de mensonge
faire l'effort d'être mauvais
ne jamais en tirer un profit, de pouvoir, d'ego ou d'argent
l'art serait un rituel religieux barbare, sans église, dont on aurait retiré l'obsession du pouvoir organisé
vaudou qui remette en branle le sang des sociétés mortes de bonté et de confort
qui sait ? il n'y a pas de réponse, jamais
j'aime me sniper moi-même et créer d'innombrables mensonges sur moi-même
le bruit du moteur, brutal dans le silence, la trace trop blanche du bateau coupant le paysage mystérieux comme un cutter tailladant un sein, j'avais soudain là devant moi une trop parfaite allégorie violente de la technologie et du luxe
je laissai sans broncher approcher la vague arrogante, la sentant à l'avance s'écraser contre les pierres de la rive, pour m'asperger et tremper ma petite boîte à images
pourquoi faudrait-il en plus fuir devant eux ?
mais celui-ci m'envoyait jusqu'à la rive une chaleur douce comme un rire, avec son ridicule et et sa drôle de petite fumée lente
les occupants me firent des signes
je les leur rendis d'un battement de main
et plus tard, voici que je leur rends un double hommage, par le ridicule de mon cadrage et la maladresse de ma phrase
et cette certitude, chaque jour plus envahissante: le ridicule est vraiment le coeur chaud et secret de l'érotisme
il faut que la peur et la haîne lui inhale chaque pore de la peau et de l'âme, qu'elle lui liquéfie les yeux, lui assourdisse les oreilles, lui perfore l'âme, lui ramollisse les couilles
il faut d'la peur, rien que d'la peur !
c'est le business des vendeurs de fascisme à la petite semaine
tu prends 20 ans de page de couverture de GHI, semaine après semaine, et tu as un véritable manuel de création du fascisme, une sorte de "mein Kampf" du gratuit
quand au bol de lait Caillet, il sent de plus en plus le tourné - évidemment, il lui manque totalement les quelques ferments nobles qui pourraient rendre sa suffisance vaguement comestible
finalement ils se sont décidés à sévir contre les dealers de crédits malsains qui profitent du malaise des jeunes pour les embobiner dans un filet d'endettement - 1000 personnages indélicats ont été interpellés: démarcheurs au porte à porte, publicitaires et afficheurs, fourgueurs en boîtes de nuit et dans les clubs de sport
mais les gros poissons, directeurs d'institutions de crédit et actionnaires en tous genres restent malheureusement encore inatteignables
nous nous sommes également livrés à une estimation du nombre de banquiers et financiers dont les jeux malsains sont payés de VOTRE poche de contribuable pour rembourser les trous gigantesques qu'ils prennent plaisir à creuser, jouissant de la complaisance de nos politiciens
ces assistés de toutes sortes, profitant des sauvetages répétés d'un état laxiste et sans courage, nous en avons dénombrés au moins vingt mille dans notre petite république
jusqu'à quand pourront-ils continuer de profiter sans limite ?
déjà un gros quart de siècle que la vie politique de notre planète se réduit à "rassurer", à tout prix et à n'importe quelle condition, une meute de psychopathes hystériques qui inversent la vie et jouent à faire semblant d'exister alors qu'ils sont affectivement morts depuis longtemps
... plongés dans leur 20 minutes gratuites de bonheur
tandis que sur les voies, les cantonniers ramassent les petits cadavres de la nuit, comme dans les westerns
mais oui, tu sais... ces vieux trucs qui nous font tellement rire à la télé et où il y a plein de bons et de méchants et où les bons gagnent toujours !
les deux petits rats avaient choisi justement ce soir-là, un doux soir d'été finissant, pour partir à l'aventure droit devant eux, sans rien dire à leur maman
ils avaient entendu parler bien sûr des gigantesques chariots de fer qui fondaient comme l'éclair dans un bruit de fin du monde sur les petits traverseurs de voies sans expérience
oh mais eux ! ils se débrouilleraient très bien !
mais ce qu'ils ne savaient pas c'était que depuis ce soir, les surveillants des chemins de fer seraient armés et prêts à tirer sur toutes les engeances subalternes, sur toutes les races maudites
ils ne savaient pas non plus que leur mort, parfaitement inintéressante et presque déjà planifiée, allaient réconforter toutes les gentilles mamans et les solides pères de famille, qui diraient en levant le doigt: "bien fait pour eux, ils n'avaient qu'à rester chez eux, bien au chaud ! on n'est pas bien, au chaud chez nous ?"
"oh oui !" répondirent en coeur les voix de la marmaille...
sauf la grande soeur, dont le regard sombre alla se cacher aux WC