GE
LES VOYAGES
l'homme est éveillé par la raideur entre ses jambes _
l'aube est fade dans le trou de la fenêtre _
des bruits viennent de la salle de bains _
ah oui c'est elle pense-t-il _
puis un bruit coupant et cinglant _
un bruit d'accident _
il pense que la femme est toujours debout avant lui _
"chéri le miroir s'est brisé _
il me trouvait sans doute trop belle" _
que répondre ?
non il ne la trouve pas "trop belle" _
mais elle est installée bien trop à l'intérieur de lui _
"tu es trop dedans voilà, les miroirs pètent c'est normal" _
"oui mais sans miroir tu n'arriveras peut-être plus à me baiser..." _
il écoute son rire gai et furieux _
interminable
LES VOYAGES
elle ne pouvait être que
Hors de
parfois elle jetait son Corps dedans
l'abandonnant à la fureur
mais elle... Elle ?
elle Hors d'elle ?
Hors du Dedans
elle Hors de ? Horde ? sa horde ?
et pourtant le jeune homme aimait cette Horde cette Hordelle
dont il était à jamais_depuis toujours Hors_Hors_Hors
Hordelle !
LES VOYAGES
le train de Nuit nous traverse _ dans la pologne endormie_noire |
je suis Alors un jeune père_ma petite fille Dort dans mes bras_au long de cette nuit |
à 2 ans perdu le français_pour 6 semaines dans la famille Russe | face à sur le siège dur_sous
les Lueurs des gares mortes_une gamine 13_14 ans_sa Mère côte_côte | tout s'éteint s'endort_par sursaut_les
maigres genoux Touchent les miens | se pressent_les yeux froids dévisagent_me surveillent_une sorte de
Don_sauvage_Dominateur | paralysé dans mon corps_précautionneux avec ma fille_mon corps Subit_le regard est sans faille_sans pitié_et la caresse des genoux Osseux
Doucement monte une joie_Plénitude _ je le sais ce corps_il sort à Peine d'obéissance _ la mère
lui parle durement_dans le soir_à la montée depuis le Quai | et moi homme inconnu_l'étranger_Empêtré de paternité
endormie_paralysé_elle me regarde à merci_mon Trouble lui jette dans le corps_électrisé de violence_un
pouvoir Absolu _ premiers instants de puissance_Furieuse | je te les donne Sans retenue_me soumets
à ton plaisir_petite bête à Torture_la nuit est noire_Longue
LES VOYAGES
l'homme nu
la regarde pisser
il attendit longtemps
nu dans le bar
la voiture qui tardait
LES VOYAGES
le café était largement vitré mais ça n'aidait pas
les lumières tristes ne projettent pas grand chose vers le boulevard | les sirènes des flics passent au loin ou juste là | ceux-là semblent tout juste sortis _ ou alors partis dans une nuit debout | l'homme raconte interminablement _ on dirait qu'il explique _ elle écoute _ il y a une séparation | je passe lentement enfile un manteau juste dans le dos de l'homme | la voix est passionnée hésitante_"tu le sais bien que je bande pour ta névrose"_
je ne peux pas rester planté là plus long | je vais voir si les flics attaquent république | je réfléchis à ces deux-là comme à l'espoir comme à la démocratie_si les rébellions perdent la force ils seront arrachés_l'un de l'autre_je le sais
LES VOYAGES
dans une autre ville_petite | je vois un couple | la femme grande l'homme petit_comme la ville
¬ Ha ! ça me rappelle ce concert à Bari _moi jeune_ la chanteuse immense et puissante_le ténor _il est son mari_ petit et rablé | le public chuchote et moque ¬
ceux-ci _pas les chanteurs_ on voit qu'ils sont un récit | un mythe_une invention nécessaire_une fiction | le serveur me fait un clin d'oeil | grimaçant son admiration vers leur table_je bande à l'avance de leur malheur
LES VOYAGES
ils sont deux bien sûr séparés
le verre est invisible il coupe
la chienne chasse hume il est blessé sanglier
pas une meute de chiennes une suffit
les oiseaux chantent à l'oreille
les fourmis, vers de terre et mulots posent une petite caresse
au groin de l'ami dans la forêt épaisse
mais où reste le chasseur où reste le coup de feu ?
LES VOYAGES
le plancher de bois sur la ruelle comme en pente_la femme en rouge et l'homme en veste de cuir_ils paraissent juste sortis de la chambre d'hôtel_en dépit de l'heure_ils parlent et mangent un peu_on ne peut pas ne pas les regarder
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je crois bien que la Mort est assise un peu plus loin_dans leur dos_qu'ils ne veulent pas le dire_pas en parler_pourtant la Mort n'est pas moi_peut-être juste dans mon dos à moi si je me retourne
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de toute façon ils tombent dans la Peste et le Choléra l'Histoire les attrape à la nuque_ils n'ont pas choisi d'être jetés là
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d'ailleurs il ne sont même pas un _Ils_ même pas un _Nous_ juste deux feuilles tombées de l'arbre
LES VOYAGES
on m'a raconté
la chambre coûteuse
l'hôtel dans la ruelle
les tambours matelassés qui tuent le son
les préparatifs
le loup sur les yeux
la voix tremble
"maintenant il sait qu'il ne l'aime pas"
mange ton mensonge ! éveille ton songe
LES VOYAGES
je suis heureux de vivre en belge | les rues sont pleines de corps | qui vaquent sans affirmer rien de spécial sur ce qu'ils sont
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chez les peuples brillants je sens | que tout le stock de beauté des individus_des corps_des âmes | est jeté vers la surface | vers les autres vers la foule | et qu'il n'en reste plus des tonnes pour l'intérieur secret | ici les corps sont là_au travail_au bistrot_à l'ennui_à la douleur | sans cacher l'insignifiance_la bêtise
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alors il y a un érotisme caché_profond à ce théâtre_cette banalité | leur présence ne te répète pas sans cesse que tu es _moins bien que_ et les corps restent mystère
LES VOYAGES
le crocodile de sable
la chienne comme du pain frais
le chien de faïence
le sexe mauve de Mademoiselle
l'homme nu
le bruit lourd du camion poubelle
bref une histoire de transport
LES VOYAGES
les deux corps dans la ville
le verre se brise
le oui le non la douleur la peur
la distance terrible
les autres corps qui ferment les portes
inconscients de la tempête
on entend le pas d'oie des armées
LES VOYAGES
la parole douce
la caresse qui dresse
l'émotion qui le gifle
comme une rafale de pluie
plutôt un sceau d'eau jeté
tout le corps qui s'inonde
la semelle tranchante frappe le tibia
le visage ne bronche
LES VOYAGES
autoroute, nuit plonge au ralenti
agneau mystique mange les âmes
phares éteints
"putain !! il est où le foutu bouton ?"
âmes noircies, agneau fout le camp
allégorie ! allégorie !
juste une allégorie
un cri fantôme de leur amour
(mots pleins de tiroirs)
LES VOYAGES
la cloison mince mince
le cri, le beau cri
le très beau cri
le poing contre la cloison
une prière pour le silence
LES VOYAGES
le recoin dans le café
le patron bougon
le maudit le redressé
les larmes, les larmes
le possible au loin fou ou flou