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Les Compagnons, les Pédauques, (Pied d'Oie), disciple de Maître Jacques avaient dans le secret un projet qu'ils exposaient dans la pierre au nez et à la barbe du clergé corrompu : la fin de la société, celle qui est dominée par l'argent, celle de l'Eglise pervertie et de tous ces gens qui se disent chrétiens, mais en réalité ont horreur de la pensée du Christ « Détachez-vous des biens de ce monde ».
« Pour vivre heureux, compagnons, sur la terre
Tendez la main à tous les voyageurs
C'est le devoir de la classe ouvrière
De soutenir les nobles travailleurs
Faisant ainsi, vous verrez l'harmonie
Qui règnera dans la société
Vous remplirez une mission chérie
En vivant tous dans la fraternité »
Couplet chanté par les Compagnons.
Je n'ai pas voulu passer par Saint-Jean-Pied-de-Port et Roncevaux, car aujourd'hui ce parcours est surfréquenté. Et j'ai bien fait !
Le pèlerinage de Compostelle est devenu aujourd'hui une mode. On va au tombeau de monsieur saint Jacques, prier pour le repos de son âme où de l'âme d'un proche, pour la guérison d'une personne aimée. On va bramer l'hymne de monsieur saint Jacques, réciter la prière à monsieur saint Jacques, baiser les pieds des statuts de monsieur saint Jacques, donner une obole à monsieur saint Jacques, écouter les homélies des serviteurs de monsieur saint Jacques, chacun y va selon sa propre compréhension, ses propres connaissances, sa propre motivation, sans être obligé de penser comme une majorité des pèlerins. Chacun à son propre chemin !
À Navarrenx, qui se trouve à 60 km de Saint-Jean-Pied-de-Port, j'ai bifurqué sur Oloron-Sainte-Marie, pour rejoindre la Voie d'Arles, puis le col du Somport pour Jacca sur le Camino Aragonès, le chemin traditionnel qu'empruntaient les Compagnons.
Le chemin des hommes de métiers n'a jamais été mélangé avec le chemin de pèlerins. L'un passait par Jacca et ses ermitages, l'autre par un réseau d'hôtelleries. Les motivations de voyages étaient essentiellement différentes. Par Roncevaux et le Camino Francès, les motivations étaient de types religieux : expiation, pénitence, demandes de tout ordre, vœux... Par le col du Somport et Jacca, c'était l'université, et on séjournait pour apprendre. On passait de vieux maître en vieux maître, d'ermitage civil en ermitage religieux, et en suivant l'antique chemin des étoiles, au plus proche de la Wouivre, avant d'arriver à Noia au Finistère de la Galice.
Les Compagnons des différentes corporations n'allaient qu'une fois à Noia, mais revenaient souvent dans les Pyrénées voir leurs vieux maîtres, apprendre de nouvelles techniques, entrer dans de nouvelles connaissances.
De ces constructeurs pyrénéens, j'ai pu visiter cette merveille d'Eunate, une drôle d'église octogonale qui en basque signifie : les cent portes. Le clergé ne le dit pas, mais c'est une église templière. C'est à partir de là, que sous la pluie, j'ai quitté Ludmila et Eden, qui m'avaient rejoint pour faire une étape avec moi. Je ne le savais pas encore, mais à quelques kilomètres mon chemin rejoignais celui du Camino Francès à Puenta-la-Reina. Puenta-la-Reina où j'allais avoir un choc en voyant tout ce monde, piétons et vélos, agglutiné en file indienne sur un chemin mouillé et qui se dirigeait vers la ville afin de rejoindre leurs albergues et leurs hôtels réservés six mois à l'avance où les attendait leurs bagages qu'ils avaient confié à un transporteur. À partir de là, mon état d'esprit allait changer !
Qui avait-il de si fort pour appeler sur ces routes pendant des milliers d'années alchimistes voyageurs et pèlerins ? Pour les pèlerins en route pour Saint-Jacques de Compostelle, j'ai trouvé dans une chapelle près d'Arzacq-Arraziguet dans le Béarn un des rares textes qui m'a attiré !
SUR LES CHEMINS DE ST-JACQUES DE COMPOSTELLE
Qui saura dire combien d'hommes et de femmes, de jacquets, cheminèrent sur ce gigantesque sablier que sont les Chemins de Saint Jacques, et qui convergent vers la lointaine Galice ?
Malgré la poussière et la boue sur les cailloux des chemins, bravant les dangers des hommes, des loups et des rivières en crues, ils avaient le regard rivé sur la voie lactée qui, mystérieusement, leur rappelait chaque soir la direction à suivre. Riches ou pauvres, avec pour seul bagage leur bourdon, une besace, un long mantel de laine sombre et un écrit du curé, ils marchaient.
Dans l'espoir de ménager leurs pauvres chaussures, ils préféraient aller pieds nus sur les plus mauvais passages. Un pèlerin, cela prie d'abord avec ses pieds.
Mais que cherchaient-ils, ces frères de l'éternité ?
Monsieur Jacques ? la rémission de quelque terrible faute, leur place au paradis ?
Par ce calvaire volontaire, certains voulaient remercier pour un enfant sauvé de la maladie ou un vœu formulé sur un champ de bataille. Pour quelques-uns, le pèlerinage était une sentence pénale ; pour d'autres, il répondait seulement à une envie de découvrir le monde...
Mille pèlerins, ce sont mille raisons d'aller là-bas !
Et que rencontraient-ils, en Galice ? Eux-mêmes, à n'en pas douter.
Le reste concerne seulement leur conscience. Bonne route, marcheurs de l'absolu !
Ce texte m'a plu, car pour se dire pèlerin sur ce Chemin des Etoiles pas besoin de suivre le chemin que l'Eglise à tracer et de suivre leurs salamalecs jacquaires ! J'ai tracé mon propre chemin et j'en suis heureux. J'ai mieux compris les motivations de ces pèlerins d'antan et sur 1500 km j'ai partagé une partie de leur joie, de leur souffrance, de leur interrogation et contemplé les paysages qu'ils ont traversé. Face à ces pèlerins moyenâgeux j'ai été un tout petit pèlerin.
Malheureusement, j'aurais aimé partager avec des hommes et des femmes qui pensent comme moi, qui ont une autre vision du Chemin, mais comme la plupart sont inspirés du Miam-Miam Dodo et suivent leurs applications sur leur smartphone élaborées par une bande de couillons, on ne va pas bien loin dans la conversation. En dix ou quinze jours de marche on ne ressent pas la même chose qu'en 80 jours. C'est une des raisons que, parfois, je me sentais comme un extra-terrestre :
DÉCONNECTE-TOI POUR MIEUX TE CONNECTER
Depuis des millénaires les hommes ont suivi les chemins qui conduisaient à l'extrême pointe de la terre, au bout du monde et notamment aux Finis-terra que sont en autre la Cornouaille, l'Irlande, l'Armorique, la Galice. Il en venait de partout, des pèlerins en marche depuis le fin fond des terres de l'Europe. Le but de leur voyage, c'était de recueillir l'héritage ! L'héritage des Grands Hommes Venus de la Mer... ceux qui ont construit les plus importants monuments
Mégalithes que nous pouvons encore aujourd'hui admirer.
Ces Grands Hommes Venus de la Mer, dont Gargantua (dont le nom signifie : le gars des grandes pierres) était l'un d'eux, avaient habité une grande île qui s'était tout à coup enfoncée dans la mer, on ne sait pas au juste pourquoi ? Où bien c'était la mer qui avait monté, peut-être parce que les grandes glaces lointaines s'étaient mises à fondre ? Pour certain, cette île avait pour nom « Atlantide ». Mais quelques-uns avait pu échapper au désastre. Ils avaient mis, à la sauvette, dans leur bateau, toute leur connaissance et leurs savoir-faire et ont vogué en direction du soleil levant avant de débarquer sur la terre ferme, non loin de Noia (Noé) où ils installèrent leur premier campement.
Une légende raconte que dans la baie de Noia, tout près de Baroña, Noé à la fin du déluge vint s'échouer avec son arche sur le Mont Arros au dessus de la petite ville de Noia qui doit son nom à Noé. D'ailleurs les armoirie de la ville : c'est l'arche de Noé !
Ces Grands Hommes Venus de la Mer, étaient de la race des Druides Atlantes... Ils se sont mêlés avec les autochtones et cela a donné une race à part, une race pas ordinaire qui parle encore une langue atlantéenne, la seule au monde : les Basques.
C'est sur le Pico Sacro, la Montagne sacré, une des premières terres visibles depuis l'océan Atlantique que les Grands Survivants se sont installés où justement l'apôtre Jacques, selon la légende, a été d'abord inhumé avant d'être transporté à Compostelle, la Terre de l'Etoile selon les uns ou la Champ des Etoiles selon les autres. !
Ce n'est pas un hasard si le « tombeau de saint Jacques » a été découvert en Galice. La pointe nord-ouest de la péninsule ibérique, assimilée dans l'Antiquité comme au Moyen Âge aux confins du monde (finis terrae), est depuis toujours un espace tout particulier de spiritualité. C'est en Galice qu'on observe la plus grande concentration, dans la péninsule, de témoignages de la culture mégalithique du Néolithique. Une connaissance très ancienne a pu persiter dans l'ouest de la Galice qui a été transmise à travers une iconographie, à travers de textes, à travers de grimoires. Pour les Compagnons et les alchimistes qui terminaient leur voyage à Noia, comme le voulait la tradition, ça ne fait pas l'ombre d'un doute.
Mais naturellement, dans les flyers et prospectus des églises et des guides, pas un mot sur cette période ; on dirait qu'on a voulu occulté cette histoire en la remplaçant par des histoires banales et sanguinolantes, glorifiant des rois et des princes, tous chastes naturellement, qui ont bataillés contre l'Espagne mauresque. D'ailleurs c'est à partir de là que notre apôtre Jacques va encore endossé un autre rôle, celui de « matadoros », le pourfendeur des Maures. Santiago deviendra le cri de ralliement des chevaliers chrétiens (doux Jésus) dans leur combat contre les musulmans et cette image de l'apôtre perdura à travers les siècles (bin voyons !)
Au 16ème siècle, lorsque les Conquistadors espagnols, avides d'or, (qu'on retrouve dans les églises espagnoles) se déchaînèrent contre les « sauvages » en Amérique du Sud, ils exportèrent le nom de l'apôtre sur le nouveau continent. À l'époque de la Réforme, la lutte contre les protestants fut placé sous le signe de saint Jacques. Il est significatif que les innombrables représentations de saint Jacques en chevalier, dressé sur sa monture, ne soient apparu qu'à partir de ce moment. Mais c'est aussi à cette époque qu'une bonne part de pèlerins déserta le Chemin et que de nombreux pèlerinages locaux se sont multipliés dans toute l'Europe.
En arrivant à Compostelle, je n'ai ressenti aucune émotion face à tout ce bastringue « spirituel », indifférent à la liesse de certains tourigrinos, me posant beaucoup de questions sur les motivations de tous ces gens et quels bienfaits pouvaient-ils en retirer. Mais aussi, en parlant avec des pèlerins, certains m'ont avoué être déçu par cette ambiance, ne s'attendant pas à ça quand ils ont entamé le Chemin.
Mettre un coquille Saint-Jacques sur son sac à dos et confié son Chemin à une agence de voyage ne fait pas le pèlerin. Le tourisme a tué le véritable sens du Chemin des Etoiles au profit du dieu « Mammon » auquel la plupart de cette meute connectée s'est soumise.
Moralité :
Une abeille ne perd jamais son temps à expliquer à une mouche que le miel est meilleur que la merde.
J'ai terminé mon Chemin à Noia car j'avais envie de décompresser et d'essayer de comprendre qu'est-ce qui attirait au Moyen Âge ces gens de métiers dans ce lieu étrange et aussi de fuir l'ambiance de Compostelle. À la gare des bus, j'ai pu encore voir le stress et la cohue des pèlerins qui se rendaient à Fisterra pour admirer le coucher du soleil. Leur bus était bombé, mon bus était à moitié vide, enfin seul !
Arrivée à Noia après 35 km de route, entre le brouillard et la pluie, j'ai découvert la baie où dit-on les « Hommes Venus de la Mer » ont débarqué. Difficile à imaginer.
Mais ce qui m'a attiré dans cette ville, c'est l'église Santa Maria Nova et son étrange cimetière.
Les guides touristiques nous disent que c'est l'un des cimetières les plus importants d'Espagne et du monde (les guides pour attirer le quidam en rajoutent toujours), ajoutant qu'il a été construit sur une Terre sainte apportée de Palestine. Pour le reste, pas d'explications claires sur l'histoire de cette centaine de pierres tombales qui entoure l'église et qui pour certaines sont exposées dans l'église transformée en musée.
Construite en 1317 sur l'emplacement d'un ancien temple romain, l'église est entourée d'une centaine de pierre tombale, dont certaines sont empilées par groupe de cinq le long du mur du cimetière. Elles ne sont pas dans le sol comme dans un cimetière normal. Chacune de ces dalles et sarcophage en pierre exposés à l'intérieur et à l'extérieur de l'édifice ont des signes gravés qu'il est très difficile pour le profane d'interpréter. Certaines semblent représenter une corporation de charpentiers, de tailleurs de pierre, de cordonniers, de bouchers... et d'autres parler de la mer et de la navigation. D'autres dalles ont des représentations de figures humaines, de personnages semblant venir de l'au-delà, de symboles énigmatiques, de dessins gravés dans la pierre qui peuvent figurer une profession ou exprimer une chose, peut-être spirituelle, qui encore aujourd'hui on ne comprend pas.
Au Moyen Âge beaucoup de ces pèlerins ne savaient pas lire et écrire et ces dessins et symboles étaient un moyen de communiquer. En tout cas une chose est sûre, les Compagnons qui faisaient le Chemin des Etoiles comprenaient très bien ces motifs mystérieux et en revenant de leur voyage, ils perpétuaient une Connaissance qui remontaient depuis la nuit des temps sur les murs de pierre de nos cathédrales et de nos églises romanes. Encore aujourd'hui ces pierres tombales gardent un secret que même l'Inquisition n'a pu percer...
Comme autrefois, dans le cimetière de Noia, s'est perpétuer un rite de mort et de naissance. Une étrange tradition guide les pèlerins de Compostelle vers ces anciennes pierres tombales. Chaque pèlerin en choisissait une, qu'il dédiait à lui-même, à cette partie de lui-même, qu'il a laissé tout le long du Chemin de Maître Jacques qui se termine dans la mer....
J'ai choisi ma pierre !