GE
///le meilleur ami du monde
et à 4h du matin sur la carte du monde
et le trépied à trois pattes et le pluvieux Mahmoud Abad
et les saucisses sur la plage et le klaxon sur le chemin de Darabad
tout ça pour la nation
et on cherche un endroit pour se garer
et randonner avec un camion et des chocolats lourds qui ont été perdus de Melody à Ispahan
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///Nous avancions toujours dans ce liquide lourd. Nos esprits étaient vides mais sans tristesse.
Nous atteignîmes un replat des eaux, une sorte de lac artificiel dominé par des bâtiments sévères et sombres comme des prisons, ou comme des casernes.
Je tentai de prendre pied dans ce bassin. L'eau était trop profonde et menaçait de me submerger.
Je me retournai et j'annonçai qu'il était impossible d'avancer.
Un autre s'avança, qui émergea jusqu'à mi buste. Nous pénétrâmes tous dans ce lac.
Une sorte de barrage s'élevait en amont du lac. Nous avancions dans le balancement lourd de nos épaules. Nous étions légers de la lourdeur de l'eau.
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///Ce rêve me revient. Il revient sans cesse.
Il doit bien être occupé à me parler de quelque chose.
Je me demande de quoi il me parle.
Sans comprendre, même dans l'incertitude (ou plutôt surtout dans cette secrète vraisemblance mensongère) je sens bien que je l'aime ce rêve, il m'est nécessaire. Il me fait peur aussi.
Il parle de corps en groupes, il parle de terres inexplorées, il parle de l'étrange du monde, il parle de la noyade dans la vie, il parle bien sûr du dangereux du pouvoir. Il parle bien sûr de la solitude et de la puissance ou de l'impuissance du désir.
Ou peut-être ne me parle-t-il de rien du tout. Peut-être bien ne sait-il rien de moi.
Peut-être se donne-t-il juste un peu de plaisir à lui-même.
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///Une femme à longs cheveux tenta de s'extraire de l'eau. Ses cheveux étaient clairs et poisseux. Elle se débattit pour respirer, pour échapper à l'engloutissement. Ses yeux ne montraient aucune peur. Elle était entraînée par un lent mouvement, disparaissant et ressurgissant sans espoir. Mes bras soutenaient son corps sans peine. La tiédeur de l'eau nous confondait. Nos corps se sentirent calmés.
Derrière moi, au seuil du lac, reposait un pont aux couleurs simples.
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///J'observais les autres plus bas sur le fleuve. Ils étaient retournés vers le passé et regardaient vers nous. Si j'avais crié ils n'auraient pas entendu. Là-bas l'eau était plus claire. L'eau était plus rapide, son courant plus tumultueux. On voyait les corps des autres à travers l'eau. Ils étaient libres jusqu'aux genoux. Les rives étaient plates et de galets. Entre nous le fleuve était raide. J'avais peur. Je ne savais qui avait raison. Je n'osais les rejoindre, j'avais besoin de leur conseil.
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