GE
A 24 balles le ticket de cinéma, ça vaut bien de voir la salle, vide, à l'écran non ?
- Sir, you wouldn't have a newspaper to spare ?
- What kind of newspaper ?
- Anyone will do. I need it to wrap up my little fish
- Today's great ideas are tomorrow's wrappings for fish & chips
Michel J, banquier-photographe-chroniqueur, à l'instar de Michel G., alias Michel B.
Une de la Canebière, opérette de René Sarvil, Vincent Scotto, Henri Alibert par la troupe Les Carboni (Marseille, France).
Que reste-t-il de l'extraordinaire présence de cette jeune fille au moment où elle fixe l'objectif ?
Que lui dit le photographe ?
Où sommes-nous ?
Est-ce qu'il pleut dehors ?
Que pense-t-elle que nous ne sachions pas ?
Est-ce important que nous le sachions ?
« Passent les heures
Les jours s'en vont,
Seule reste acquise
La simple existence. »
H.A.
La photographie est la trace de ce lien charnel qui nous relie au monde !
Je commençais vraiment à m'habituer à mes 56 ans quand tout à coup, sans crier gare, mes 57 ans me tombèrent dessus comme un orage longtemps menaçant...
Il pleut, là où parfois le ciel pénètre mon slip. Ma selle de moto, cent mille trente quatre kilomètres d'intimité partagée.
Du vrai bruit, des vrais trous et de la poussière, comme ça fait du bien...
Vu une poubelle s'affoler comme le drapeau d'une armée avant la bataille...
bordel ! heureusement que mon père était pas croyant !
et encore bienheureux que mon père se soit fait embarquer par les flics quand il fréquentait les salles d'attente réservées aux gens de couleur !
j'aurais pu avoir passé ma matinée à travailler au champ, à mon rythme calme, et maintenant, un peu à l'avance du repas de midi, dans l'ombre de la cabane, j'aurais laissé mon corps se détendre et le sourire aurait commencé de manger tout mon visage, mon visage et ma pensée, et mon corps aussi
ah ! bienheureuse afrique !
et puis mon père est tombé brutalement malade lors d'un voyage - resté des semaines prisonnier d'un hôpital perdu quelque part, loin
il a cessé de voyager
alors, par certains beaux jours de congé, on ressortait les habits blancs et les souliers bicolores, on peignait sur de grandes toiles des paysages copiés des petites photos aux bords découpés, on s'installait sur le terrain caillouteux dans la cour, et on recréait le lointain, on réinventait le voyage, on trichait religieusement, et on en faisait des images photographiées
ici, c'est moi à gauche - avec un rideau autour du ventre pour me grossir et du cirage pour la négritude - je jouais le vieux guide égyptien devant une pyramide
il y avait du "play it again, Sam !" dans cette histoire
une sorte d'erreur de citation ou de casting
un mélo mensonger à l'américaine
dans cet espace vide, s'infiltre lentement autre chose...
une autre zone de l'histoire...
une autre fiction
j'aime ce sentiment religieux et barbare que l'image est une agression contre le plus intime de l'humain
je l'aime quand il s'agit d'une peur profonde, d'une peur primale, d'une peur du ventre
mais quand il s'agit d'une confortable irritation de surface, refuser qu'on me photographie, alors que je rêve de passer à la télévision comme personne célèbre, prétendre à une sorte de petit droit au confort et à la privatisation de mes apparitions publiques, quand on joue au petit jeu du "alors je vais vous demander des droits !" ou "attention je vais vous envoyer mon avocat !"
alors ceux-là ! je pisse sur leurs souliers bien cirés, sur leurs vestes de lycra anti-pluie pour être au chaud l'hiver, sur leurs petits visages crispés, sur leurs avocats à l'américaine, sur leurs caméras de surveillance, sur leurs...
mais la vrai peur, la grande peur, la peur profonde de la pensée, de la pensée qui ne comprend pas, qui fuit la technologie, qui craint d'être diluée, emportée avec l'image, alors celle-là je l'aime
je l'aime et je la recherche dans mon travail de photographe
et pour avoir emporté un morceau de quelqu'un, un morceau vrai, un morceau de quelqu'un de vrai, je veux bien me faire casser la gueule et shooter dans les couilles, recroquevillé sur le goudron mouillé, avec au loin le bruit vague des derniers passants de la nuit, et la mort qui te guette peut-être...