GE
Roucoulement lancinant
Des pigeons font le tapin
Au petit matin
Je trimballe un chapelet de comiques désillusions glanées ces derniers jours, trop occupé à survoler les espaces plutôt qu'à les laisser m'investir. Voyager n'est pas affaire de lointains, de paysages et d'espaces traversés, sinon la révélation qu'on est de partout, que le soleil toujours se lève où qu'on soit, que si on va à l'Est on restera toujours à l'Est de quelque part…
Si on voyage comme une valise, mieux faire le tour du monde à vélo d'appartement.
Non, le vrai voyage, le seul, c'est l'Autre… C'est l'Autre qui me révèle, il faut que j'apprenne le birman, vite…
Voilà ce que j'ai découvert, en route, sur ma bicyclette.
….
Failli oublier que la junte jugule, ici. Qu'un troupeau de crapules s'en fout plein les coffres, que les pauvres ne peuvent s'indigner qu'aux chiottes, que partout ailleurs ont les réprime. Pense à Zaven resté à Rangoon. Il est forcément compromis avec la dictature militaire, je m'en rends compte un peu tardivement.
« Zaven, who are you ? Please, tell me the truth ! »
Voilà ce que je vais lui demander, avant de reprendre l'avion à Rangoon, qu'il me dise la vérité, merde, la vérité ! Je ne veux plus vivre dans le mensonge, dans l'illusion, dans la fiction. Mais qu'est-ce que la vérité ? Qu'est-ce que le réel ? Ne plus se raconter d'histoires, embellir, ne plus envelopper mes rencontres dans le papier cadeau de la fabulation, ne plus rajouter de la netteté avec Photoshop, ne plus saturer un ciel un peu pâle, ne plus mentir. Mais oui, l'image est un mensonge vaniteux, une prothèse à produire de la mythologie, la brosse à reluire de l'orgueil. « Regardez, regardez comme j'étais près du tigre, regardez comme je me vautre dans le bain mousse du bonheur, comme je conquiers : les regards, les sommets, les femmes, proclament à chaque fois l'image. C'est léger, c'est futile, c'est faible la photographie. De surcroît, et c'est ça le pire, le plus grave, le plus affligeant : Cadrer c'est exclure. Cadrer c'est rejeter. Rejeter le reste du monde.
Pauvre. Pauvre photographie !
Au plus fort de ces tortueuses réflexions - je suis assis sur un bord de route, sous un manguier - explose un fracas abominable au-dessus de moi. Le ciel s'ouvre en deux comme une femme qui accouche et déverse le fruit de ses entrailles sur le monde.
Le réel, ouf, me fesse, me rappelle à lui. Sonné et mouillé comme un nouveau né, je pousse un cri joyeux, me remets en route…
Elle est le qui vive
Le grillon qui stridule
J'ai le goût de son cœur sur le bout de la langue
…
« Would you like something to drink Sir ? Sir ? »
L'hôtesse m'arrache à ma rêverie, dix mille mètres au-dessus du golfe du Bengale.
Je ne peux me défaire de la troublante gravité d'Amira lorsqu'elle me remit, juste avant mon départ, une enveloppe adressée à une P.O. Box en Suède - me faisant promettre de la poster immédiatement à mon arrivée à Zurich. Me revient notre conversation (dans un Starbucks - moi qui ai juré de n'y jamais mettre les pieds) au sujet de Wikileaks. Je lui fis savoir que je me méfiais des médias, de leurs croisades au nom de la transparence. Que n'importe qui, aujourd'hui pouvait produire de l'information et la diffuser sur le net. Bref que rien, même oblitéré par de vertueux journaux, ne garantissait l'authenticité d'une source. La CIA elle-même, pouvait manipuler Julian Assange, lui fournir des documents tronqués et tous nous rouler dans la farine…
« With ice, the Bitter Lemon ? »
« No thanks ! » la glace m'attend chez moi, me murmure-je à moi-même.
Je replonge alors dans l'édition du New York Times achetée à l'aéroport et relis une seconde fois l'article qui m'a complètement tourneboulé :
« La Birmanie serait en train de construire secrètement, en pleine jungle, une installation destinée à la fabrication d'armes nucléaires, avec l'aide et la collaboration de la Corée du Nord. L'ambassade américaine à Rangoun s'en doute depuis le début des années 2000. C'est ce que révèlent des notes diplomatiques américaines diffusées par WikiLeaks et publiées jeudi à Londres.
Selon les télégrammes, le régime de Pyongyang aurait envoyé ses conseillers aider des ouvriers birmans à bâtir un complexe souterrain en béton armé mesurant 152 mètres de long. Un homme d'affaires étranger cité dans l'une des notes affirme avoir vu une barre d'acier renforcé, trop large pour un usage industriel habituel, chargée dans une barge sur le fleuve Irrawaddy. Il fait état de nombreuses rumeurs relatant la construction d'un réacteur nucléaire. » sources Reuters, NYC T. reprises par le Figaro
Mais le plus bouleversant est l'image qui illustre l'article. Derrière une haie d'officiers supérieurs, de généraux garnis comme des sapins de Noël, se tient, souriant, en civil, Zaven…
Savoir être généreux avec l'invisible pour qu'il le soit avec nous.
-Je vais me faire tatouer les côtés
-Quels côtés?
-Les flancs...
-Ça ne vous fait pas rire?
-Non
-C'est beau, c'est trop beau la neige !
Je ne peux m'empêcher de voir chez ce quinquagénaire joyeux, l'enfant de six ans en train de jouer dans le préau.
« À ce moment précis passa le carrosse royal, dont les chevaux avaient besoin d'être ferrés. Lestement, le Tzigane leur coupa les jambes et commença à les ferrer. Pendant qu'il travaillait, les chevaux perdirent tout leur sang et tombèrent inanimés…
À cet instant, par chance, le saint archange revint. Il vit le Tzigane, eut pitié de lui et fit ce qu'il fallait : il souffla sur les chevaux, qui reprirent vie. L'archange dit au Tzigane :
- Ne refais plus jamais ça! Je suis un saint, et toi, simple mortel. Tu ne dois imiter ce que je fais. »
Le Tzigane, l'archange, le Christ et les autres dans Aux origines du monde, Contes et légendes tziganes (réunis par Galina Kabakova
Ne pas oublier de lever la tête de temps à autre. Pour y trouver l'inspiration. L'insouciance, aussi.
je restai longuement accoudé, penché au-dessus du fleuve
cernées tout en haut de ma vision, il y avait les zones lumineuses de l'illusion
je ne les regardais pas
toute proche de mon corps, se mouvait lentement la région noire de la mort
sans la regarder, je ne sentais qu'elle
mais c'est droit devant moi que mes yeux restaient fixés
là où les lumières de l'illusion venaient amoureusement
caresser le noir infini du rien
Philibert Faulq avait trouvé une bonne technique pour reproduire ses portraits sur de grands papiers à pique nique, qui adhéraient bien aux murs et se détruisaient rapidement avec le temps
il passait plusieurs heures à reproduire une photographie avec une sorte de craie d'une technologie très moderne, ce "moderne" lui donnant du plaisir
et il était attentif à gommer les éléments vraiment reconnaissables de son visage
autrefois dans sa jeunesse, il avait collé des affiches politiques et connaissait les précautions à prendre afin d'éviter les ennuis
une fois par semaine il collait un grand portrait de lui dans un quartier, quelque part dans la ville
il ne savait pas très bien ce que signifiait ce mot de postmoderne dont il entendait parler dans les émissions des radios culturelles
intuitivement ses "interventions de rue" lui paraissaient très postmodernes
idéal fusionnel
image mythique du couple
fantasme d'amour en miroir
heureusement que fréquemment débarquent, au beau milieu du "DEUX", des moufflets criards et dérangeants !
[arithmétique visuelle]
ça valse...
mais ça ne tangue pas !
et zut, on retourne au couple et à l'amour à trois temps !
[arithmétique visuelle]
ça appelle à la rescousse
avec insistance
et d'une petite voix chaude qui te remue tout entier
le quatre (mais sans majuscule !)
ou le cinq...
ou le treize...
ou le mille quatre cent vingt-sept, qu'importe
c'est moins "fini", moins "parfait"
ça éloigne de la perfection et ça approche de la vie
[arithmétique visuelle]
me voici bien embêté
dans ma tentative de théorie des nombres dans l'image...
y a-t-il un nombre prédominant dans cette image ?
peut-on parler d'une géométrie marquante ?
un nombre d'or peut-être ?
une ombre de platine ?
une règle secrète en fer blanc ?
[arithmétique visuelle]
Parce qu'il fait froid
(la série entière est visible sur http://www.flickr.com/gabicheminimal)
Mais un produit de consommation comme un autre.
Date de péremption sur le verso.
Cependant, comme on ne peut pas retourner une image, personne ne saura le jour de son sommeil éternel.
C'est pas très très malin de la part du photographe.
Mais comme le dit si bien Lady Diana "les photographes : ils ne font que leur boulot mais parfois ils devraient s'en abstenir."
Encore une illusion, encore un film ou la violence devient douceur.
Pour se rendre compte de la manipulation politique, un voyage en Birmanie ou la une de la Tribune n'est de surcroit qu'un pas vers la réalité, contraire même de cette tromperie planétaire.
Celles oubliées
Celles prononcées sans réfléchir
Celles qu'il faut oublier.
Une neige douce et glacée
Elle faisait en tombant un bruit de bâton de pluie
Très sèche elle dansait dans le vent
Tempête de sable envahissant les lieux abandonnés
Habitant les ruines
Se soulevant sous mes pas
Comme une bruine légère
Si douce et si coupante
Elle chantait en tombant!
Balayer l'intérieur de son crâne d'une brise légère
Après quelques passages …
Evoquer les cimes ,
Fermer les yeux
le ruisseau sous la glace bondit, joyeux
nettoyant tout sur son passage
fiesta d'un soir !
au même moment sur Skype .
un texto-tchat ...
- c'est le moment d'aller te coucher. Non!?
Chez Francis. Elles me plaisaient dans leur jolie assiette.
Sur fond d'anecdotes de voyage birman, nous causons de la Drôme...
Autoportrait de profil au bureau, baigné par une timide lumière
Promis demain je charge toutes mes images en retard...
Réflexions de gonzesse dans une cabine d'essayage:
- Pourquoi mettre autant de boutons tous sérrés, rendant impossible l'ouverture d'une robe, ne serait-ce que pour tenter de l'enfiler
- Si on ne peut pas l'enfiler... comment l'enlever?
- Corollaire des boutons indétachables: lesdits boutons se trouvent dans le dos, rendant de ce fait leur fermeture doublement délicate
- ...
Je l'ai pas prise, j'ai pas pu l'essayer.