Choulex - 12 heures 16
Les joyeux coups de jarrets de Michel me font penser au très beau texte d'un des plus grands-écrivains-cycliste-suisses - et injustement méconnu, Charles-Aibert Cingria :
"Le jour s'affaisse. De suaves petites étoiles commencent à naître. Le sol est invitant, fardé, aimable, élastique, lunaire. Ou bien c'est moi, et alors je suis dans des dispositions extraordinaires, ou bien c'est ce grand frémissement subit d'en haut des peupliers qui n'est pas des oiseaux mais le vent que je ne sens pas parce que je vais avec, qui me pousse et fait que je vais si vite. Aucune fatigue. Cela pourrait être éternel. Je suis un cristal qui ne respire pas : qui existe ââ¬â c'est l'intention ââ¬â le reste qui était fendu pour récupérer, obligeant à un rythme d'esclave, est aboli. Par le bas, je reste animal, mais je suis une boule. J'ai frais aux chevilles. Je n'ai plus besoin de voir. C'est adorable. J'ai aussi un peu peur. C'est adorable. Je vais excessivement vite. Un bruit, le seul, à part ce torrent momentané des feuilles sur quoi éclate la lune, est ce grincement mutuel ââ¬â sexuel ââ¬â de deux bois profondément encaustiqués, l'un, ocre, de vieux miel de frelons, l'autre grenat comme le porphyre de certaines gaules des saules, et c'est mes jantes. Je suis heureux de ce siècle, heureux de ce sable, heureux de ma selle Brooks aux exquis craquements."