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Moi, le mécréant du Chemin, j'ai voulu me plier à un rite que les Compagnons et les alchimistes effectuaient, rappelant ainsi certains usages pratiqués au Moyen Ãge mais que la chrétienté réprouvait.
Au départ de Puy-en Velay, juste avant d'entreprendre le Chemin, j'ai voulu toucher la « pierre des fièvres » et saluer « Maître Jacques » pendant que les autres pèlerins assistaient à la messe matinale qui leur était dédiée, et, arrivé à Compostelle, toujours selon une tradition que l'église regarde d'un mauvais oeil, je voulais terminer mon périple en allant dans la cathédrale toucher la pierre du « Porche de la Gloire » (Pórtico da Gloria) où au pied de la statue de Saint Jacques, sur le pilier central, se trouve la statue de maître Mateo (Matthieu) qui a construit entre 1168 et 1188 ce porche et la statue du « saint aux bosses » (Hercule) qui tient sous ses bras deux lions qui ont la gueule ouverte.
Sur ce même pilier au-dessous de la statue assise de saint Jacques, est creusée l'empreinte des doigts d'une main. La tradition chrétienne veut en effet que les pèlerins harassés posent la main là, ainsi que le prévoit l'itinéraire rituel pour arriver à la tombe de l'apôtre.
Le Puy doit sa fortune au pèlerinage à la Vierge qui, selon la tradition, apparut sur le mont Anis et guérit une habitante sur cette étrange « Pierre des Fièvres ». Une première église fut édifiée vers 430, sur le lieu du miracle (ses fondations ont été retrouvées sous les pavés du chÅur.
Le « Porche de Gloire », construite au milieu du 12ème siècle par maître Matthieu se trouve dans le narthex au-delà de la façade baroque.
Le rituel des Compagnons et des alchimistes était, en arrivant à Santiago, de mettre les deux mains dans la gueule des deux lions pour capter l'énergie de la « Wouivre », que l'église considère comme un rite hérétique, car on se met en contact avec les enfers, et ensuite de passer de l'autre côté du pilier et poser son front sur la tête à Matthieu.
C'est le rite que je m'étais promis de faire en arrivant à Compostelle, afin de mettre un terme à mon Chemin et ainsi respecter une ancienne tradition qui me tenait à cÅur. Sauf que...
Je suis arrivé le matin du 7 juin à Santiago. Et tout de suite je me suis rendu sur l'esplanade de la cathédrale afin d'admirer le « Pórtico da Gloria » et effectuer mon rite que je m'étais promis de faire au départ du Puy-en-Velay. Sauf que, l'entrée principale du porche était fermée. Si l'on voulait admirer le travail de maître Matthieu, il fallait entrée dans cathédrale. Mais on ne pouvait pas entrer avec ses bagages, il y avait des contrôles. Donc j'ai dû galérer durant deux heures pour trouver un endroit où dormir à Compostelle afin d'y déposer mes bagages qui m'avaient accompagné durant les 1535 km et retourner ensuite à la cathédrale pour mettre mes mains dans la gueule des lions et poser mon front sur la tête à Matthieu. C'est l'esprit tranquille que je me rends à l'entrée principale de la cathédrale, j'entre, je ne prête pas attention au monde qui ont envahi le lieu et me dirige vers le fameux porche. Sauf que... Une barrière m'arrête, qu'on ne peut franchir, de l'autre côté un gardien surveille car dans la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle c'est le seul endroit où le pèlerin ne peut accéder. J'en ai été quitte à admirer le porche qui se trouvait à une dizaine de mètres sous les regards du pauvre Matthieu qui ne recevait plus les dévotions des pèlerins. Quant à Hercule et ses lions, je ne pouvais pas les voir car ils étaient à l'arrière du pilier. Bonjour la fin de mon Chemin et de la tradition que je tenais à effectuer !
Je suis sorti immédiatement de la cathédrale, et je suis allé sur une terrasse d'un resto boire une bonne bière, pour fêter la fin de mon Chemin de Saint-Jacques-de Compostelle.
J'ai été surpris tout au long du Chemin, surtout en Espagne, que le message primitif du Chemin de Compostelle ait été occulté et ceci jusqu'à l'intérieur de la cathédrale de Compostelle. Pas un mot sur l'origine du Chemin des Etoiles. Ce n'est que le dernier jour de mon périple que j'ai découvert certaines traces que je cherchais. Pas à Compostelle, mais à 30 km de là, à Noia, également surnommée « Puerto de Compostela » (port de Compostelle) pour sa proximité et ses liens avec la ville de Saint-Jacques-de-Compostelle. Le nom de Noia (Noé) est issu de la légende biblique. Noia où les hommes de métiers, tailleurs de pierre et charpentiers n'allaient qu'une fois après avoir suivi l'antique Chemin des Etoiles.
[Jean-Louis Claude]