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Carnet de route d'un UPjiste - Un hiver indien - 37 - L'homme qui murmurait à l'oreille des vaches

PSEUDO-CREATEURS DU BONHEUR 

 

La majorité des personnes qui viennent à Rishikesh pour apprendre une technique de yoga ou de méditation ont une démarche sincère. Ils recherchent le bien-être dans leur corps et une sérénité de l'esprit. Il est vrai que dans ce cadre idyllique il est plus facile de trouver la paix en soi que dans nos grandes villes qui sont loin d'être des havres de tranquillité. Il incombe à chaque être humain d'améliorer sa conscience spirituelle par le moyen qui lui convient. Comme le dit si bien le Bouddha : « Chacun est l'artisan de son propre salut ». 

 

Quand on se promène dans les rues de Laxman Jhula et de Ram Jhula, on est frappé par le nombre de panneaux et de murs recouverts d'affiches qui font de la publicité pour les ashrams, pour un gourou ou un enseignant, pour une technique particulière, pour des cours intensifs de yoga ou de méditation. Il y a une sorte de surenchère dans ce foisonnement d'offres que ça devient parfois presque ridicule. Le visage de ses « maîtres » s'affiche partout, même au côté de politiciens véreux. Certains dans un fond de décors paradisiaque, d'autres au côté de la photo d'un Grand Maître disparu auquel il se réclame. Il y en a qui se pare d'une auréole au milieu d'un champ de fleurs à faire pâlir les fleuristes de chez nous. Il y a pour finir la nouvelle génération de beau professeur indien, dans une belle posture, qui met avant tout en avant son corps et qui attire une quantité de jeunettes qui auront peut-être la grande chance d'être choisies pour se balader avec leur petit gourou, cheveux au vent, sur leur belle moto « Royal Enfield » rutilante et pétaradante à travers les ruelles de Rishikesh.  

 

Hier, en traversant le pont de Laxman Jhula, j'ai été interpellé par une énorme publicité peinte sur le mur d'un ashram : « New meditation technique ». Une nouvelle technique de méditation vient d'être mise au point, balayant 5000 ans d'histoire de yoga et relayant aux oubliettes tous ces Grands Instructeurs qui sont venus nous enseigner la Sagesse Universelle. Aujourd'hui, on sort de nouvelles méditations comme on sort un nouvelle Ipad, et les gogos font la queue pour essayer ces néo-techniques, alors que nous n'avons même pas encore intériorisé les anciennes expériences spirituelles qui sont reproductibles éternellement. C'est là le grand défaut des occidentaux, nous voulons des résultats immédiats par n'importe quel moyen, alors qu'en général pour arriver à ce que ses pseudos gourous nous promettent une vie entière ne suffit pas.  

 

Le piège pour beaucoup de ces personnes qui veulent entreprendre une démarche spirituelle, dont la sincérité je le répète encore une fois ne peut être mise en doute, c'est qu'en suivant ces individus « tapageurs », ces pseudo-créateurs du bonheur, au lieu d'être conduits vers des issues, se heurtent à des impasses. Pour certains, perdre de vue le chemin qu'ils s'étaient fixés peut avoir de graves répercussions sur le plan spirituelle et psychique. Beaucoup d'occidentaux se fient aux apparences, aux déclarations spectaculaires et aux actions publiques « miraculeuses » en ignorant que les vrais miracles s'accomplissent d'abord en silence.  

 

Un homme bête proclame ses capacités, 

Un homme sage les tient secrètes en lui-même 

 

Trésor Précieux des Discours élégants Stance 58 

 

Si notre esprit n'est pas suffisamment aiguisé, nous pouvons facilement être abusés par des charlatans qui peuvent être pris à tort pour des Sages. Il est préjudiciable de laisser un tiers penser à notre place. Nous nous reposons sur des gourous où des thérapeutes pour qu'ils étudient la solution à nos problèmes après que nous ayons sorti notre carte Visa ou Master Card. Lorsque nous dépendons d'une personne, nous en faisons une idole et nous oublions que le véritable Maître qui nous guide est à l'Intérieur de nous-même. Il est inutile de se rendre en Inde pour trouver son Maître ou son guide, contrairement à ce que croient beaucoup de gens. Notre Moi est notre guide et notre Maître. Ni les Maîtres ni Jésus n'ont acquis leur savoir et leur pouvoir en parcourant le monde entier. Ils ont regardé en eux-mêmes, vers ce Moi, vers le Dieu Intérieur, et sont devenus des Maîtres. Shakespeare l'a très bien compris en disant que : « Souvent en nous-même résident les remèdes que nous attribuons au ciel ». Ces Maîtres n'excluent personne, mais ils ne peuvent donner ce qu'ils possèdent. Ils se contentent juste de nous indiquer la voie. Ils peuvent nous offrir leur aide précieuse grâce à leurs expériences, mais ils ne peuvent vivre à notre place. On atteint alors la véritable maîtrise lorsqu'on suit les instructions de son Maître Intérieur et que l'on ignore les opinions d'autrui. C'est ça le Chemin de Libération que le Christ est venu nous enseigner......  

 

Je me permets ces petits propos moralistes car il y a bien des années j'ai organisé des séminaires touchant la spiritualité avec des « professionnels de la branche » et j'ai très vite compris le piège que pouvait représenter ce genre d'activité. C'est en se plantant qu'on devient cultivé.  

 

Aux bains sacrés, on ne trouve que de l'eau 

je le sais car je m'y suis baigné. 

Les idoles sont en pierre muette, 

je le sais car j'ai pleuré devant elles. 

Les Puranas et le Coran ne sont que des mots ; 

je l'ai compris quand j'ai levé le rideau. 

 

Partout, la confusion règne 

Védas, coran, lieux saints et œuvres du Malin – 

Qui est l'homme ? Qui est la femme ? 

Un pot plein d'air et de sperme. 

Que reste-t-il le jour où le pot casse ? 

Imbécile ! Tu n'as rien compris. 

 

Auteur soufi inconnu

[Jean-Louis Claude]

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