GE - Une photo par jour

8h33

Ce matin il fait bon, je me suis réveillée sans réveil et après avoir pris ma ceinture et mon appareil photo, j'ai quitté la chambre en essayant de ne pas faire trop grincer le vieux lit et le plancher, tout en écoutant la respiration régulière des cousins endormis. Il n'est pas tôt, mais personne n'est pressé de se jeter dans la gueule béante du jour qui commence. 

En chemise de nuit, je croise dans les couloirs de cette grande maison pleine de vie quelques êtres éveillés, vaquant paisiblement à leurs activités matinales. Je sors sur la terrasse et saute dans l'herbe mouillée, face au soleil pointant. C'est doux et froid entre les orteils, ça picote la plante du pied. Et puis je marche vers le soleil. Il n'a pas encore atteint le bout du champ, est-ce que je peux aller plus vite que lui et avoir deux levés de l'astre le même jour? Mais comment aller vite en tournicotant et zigzagant? Parce que oui, j'essaye de tracer ma route dans la rosée, en traînant les pieds pour laisser une trace plus marquée. Et puis je tourne et retourne, je veux voir ma trace quand je serai retournée au sec sur la terrasse. 

Petit à petit le soleil prend de l'avance et j'arrive enfin sur le talus là-bas au bout du champ. Les herbes sont plus hautes et ma chemise de nuit s'humidifie aussi.  

Rien ne presse, il fait bon, je me sens entièrement libre. J'ai le temps d'observer et d'admirer les araignées et leur toile, le temps de respirer et de déguster la lumière. Tout à l'heure la mère du Cousin Laurent va me couper les cheveux -Comment est-ce qu'elle s'appelle déjà? Vraiment je n'arrive pas à retenir. Mioune? Miloune?- et puis on ira en balade, ou on lira des BDs, ou on fera des jeux. Ou tout ça à la fois. 

Hey, vous savez quoi? J'aime ma vie. J'aime ma famille. J'aime ma liberté et ma naïveté. J'aime ma jeunesse et ma peau, j'aime l'herbe, le soleil et les toiles d'araignées.  

Bon, finalement je n'ai pas vu ma trace dans l'herbe depuis la terrasse, je n'ai pas eu deux levés de soleil, et je suis revenue trempe et les pieds écorchés. 

J'aime la vie.

[Elise Grandjean]

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