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« Je suis le geai gris Un oiseau d'amour à -30°

Je suis l'oiseau sacré, une légende volante, familier de ce milieu aussi beau que difficile, la forêt boréale, là où chacun dépend de chacun, là où il faut que les idées voyagent si l'on veut se lier, se relier, avoir une chance de survivre. Je suis là, toujours là, comme au-dessus de mes affaires. Je ne suis qu'un oiseau parmi d'autres oiseaux, direz-vous, ni aigle à tête blanche, ni un spectaculaire harfang, ni même une mignonne mésange. Je ne suis pas bleu, je ne suis pas huppé, sans couronne remarquable ni croupion blanc ou doré, je ne suis pas cet oiseau bucolique de la face facile du monde. Non, je suis noir et gris, gris-noir, la terne livrée de la sauvage quotidienneté. […] 

 

Wiskatchan, petit augure du Moyen-Nord, l'oiseau gris des chasseurs, un oiseau d'amour à -30°C, une petite pensée pour chacun afin que personne ne soit oublié. Je suis la pensée libre d'un monde disparu. Ma cathédrale est devenue ressources renouvelable et développement durable. Je ne suis plus qu'un pauvre oiseau, imagine ! Moi qui suis plus qu'une pie de bénitier, plus qu'un cardinal, moi Saint Geai Gris de toutes les Assise. » Bestiaire I, Serge Bouchard 

 

« Je suis le penseur Wiskatchan,  

une pensée pour tout et pour tous, soucieux du loup et de la louve, des meutes en général, soucieux des petits animaux, une bonne pensée pour la marche des choses. Dites –le aux philosophes, la pensée est noire et grise, elle vole dans les espaces non fréquentés, elle se pose souvent sur un bouleau nain et se met à chanter. Un bestiaire des grandes figures animales des immensités nord-américaines serait impensable sans moi, je dirais même sans moi en vedette américaine. Je sais il y a l'ours, il y a les loups, les lynx et les orignaux. Cependant, dites seulement Wiskatchan et vous aurez déjà prononcé le principal du bréviaire des solitudes solitaires. 

[…] 

Voilà une première confidence. Les petits animaux comptent sur moi pour manger quand ils n'ont rien à se mettre sous la dent. Je suis un peu responsable de la réussite des chasseurs, car je tiens à ce qu'ils tuent. Parce que je vole, je vois tout, je vois bien les proies. Alors, il suffit de me regarder aller pour résoudre l'énigme obsédante qui occupe l'esprit de tous les prédateurs, où se cache le gibier ? Et il faut que les gros tuent pour que je puisse ramasser les brides et restants qui nourriront les petites créatures. » Bestiaire I, Serge Bouchard

[Catherine Claude]

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