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///Ce château parait jaillir d'une main qui le serre à sa base et l'empêche de grandir normalement. Chaque pierre déborde de celle d'en dessous. Une unique petite meurtrière entaille la muraille, mince et aiguë comme un visage de mourant. Au centre de l'entaille pourtant on s'enfonce dans une ombre tendre qui m'attire ...
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///Alors la demoiselle se met à parler sans vraiment me regarder.
"Je voudrais me réveiller, vivre, rire. Mais ce désir de joie reste enfermé dans cette chambre, trop boursoufflé pour s'échapper par les petites fenêtres. Et dans la rue je vois chaque sourire glissant de côté, chaque geste sans but, chaque visage se détournant du ciel aveuglant, chaque rire éclaté heurtant les murs... Et je me referme moi aussi.
Jamais le soleil ne vient m'éblouir pour chauffer mon corps si jeune déjà fatigué.
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///le meilleur ami du monde
et à 4h du matin sur la carte du monde
et le trépied à trois pattes et le pluvieux Mahmoud Abad
et les saucisses sur la plage et le klaxon sur le chemin de Darabad
tout ça pour la nation
et on cherche un endroit pour se garer
et randonner avec un camion et des chocolats lourds qui ont été perdus de Melody à Ispahan
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///Nous avancions toujours dans ce liquide lourd. Nos esprits étaient vides mais sans tristesse.
Nous atteignîmes un replat des eaux, une sorte de lac artificiel dominé par des bâtiments sévères et sombres comme des prisons, ou comme des casernes.
Je tentai de prendre pied dans ce bassin. L'eau était trop profonde et menaçait de me submerger.
Je me retournai et j'annonçai qu'il était impossible d'avancer.
Un autre s'avança, qui émergea jusqu'à mi buste. Nous pénétrâmes tous dans ce lac.
Une sorte de barrage s'élevait en amont du lac. Nous avancions dans le balancement lourd de nos épaules. Nous étions légers de la lourdeur de l'eau.
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///Ce rêve me revient. Il revient sans cesse.
Il doit bien être occupé à me parler de quelque chose.
Je me demande de quoi il me parle.
Sans comprendre, même dans l'incertitude (ou plutôt surtout dans cette secrète vraisemblance mensongère) je sens bien que je l'aime ce rêve, il m'est nécessaire. Il me fait peur aussi.
Il parle de corps en groupes, il parle de terres inexplorées, il parle de l'étrange du monde, il parle de la noyade dans la vie, il parle bien sûr du dangereux du pouvoir. Il parle bien sûr de la solitude et de la puissance ou de l'impuissance du désir.
Ou peut-être ne me parle-t-il de rien du tout. Peut-être bien ne sait-il rien de moi.
Peut-être se donne-t-il juste un peu de plaisir à lui-même.
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