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Il a trois ans, tout au plus, monte dans le bus. La porte claque avec un souffle de cygne fâché et laisse la mère et sa petite sÅ“ur en poussette sur le trottoir. On se précipite, cogne sur les boutons, un autre (moi) empoigne le môme qui se débat et hurle. Le bus hoquette, se plante et finalement daigne ouvrir la porte en soupirant.
La mère, volubile, s'adressant plus à elle-même qu'à son rejeton, dit de moi : "il est gentil, tu sais, le monsieur, arrête de pleurer, qu'est-ce qu'il fait chaud... " et enlève ses couches et celles de ses gamins pendant que le chauffeur, à petits coups secs, semble tester ses freins. Les vêtements glissent (que je rattrape), le biberon de la cadette valse sous un siège pendant que le bus se remplit.
...
Voilà que le chauffeur attaque une épingle à cheveux pour, cette fois-ci, tester les amortisseurs. Il provoque un beau mouvement de houle humaine, mouvement qui aurait probablement inspiré Pina Bausch. Mais la poussette mal calée valdingue avec la petite, que la mère, avec son fils sur les genoux, essaie de rattraper, en coinçant contre une main courante, de tout son poids, le cou du marmot...
...qui beugle de peur et de douleur et m'empêche définitivement de me concentrer sur le livre de Enzensberger qui décrit la prise de pouvoir de l'infâme Rafael Trujillo, le Président-boucher qui régna dans les années trente sur Saint-Domingue avec la bénédiction des américains.
"J'étais entouré de dealers, le seul blanc, et c'est moi que les flics ont contrôlé."
Mais où vont les milliers d'images que les gens font ?
Peut-être là où va la glace quand elle fond.
Le sang parle, encore faudrait-il comprendre sa langue.
Je prends mon élan, coupe les gaz, n'en suis pas à mon premier coup, ne jamais accélérer ni freiner, et avec une presque joyeuse excitation, malgré les moins neuf degrés affichés au thermomètre du tableau de bord, je m'élance sur le dos de la congère, la fend avec mon pneu avant, et, sans savoir pourquoi sens ma direction devenir molle, ma roue avant m'échapper, ma moto se coucher.
Merde.
Me dégage, sors mon appareil photo, la scène est belle, il fait froid, une image vite, mais la chute a fait une victime, l'écran de mon fidèle petit Canon a éclaté.
Congère, quel mot étrange, c'est sur lui qu'il me semble avoir buté...
I have another one, would you like to see it ?
Je me souviens de cette femme dans la medina de Tripoli. Après quelques hésitations, je lui avais demandé si je pouvais photographier ses arabesques à l'henné sur ses mains. Et de me rappeler avec son "pss, pss" pour me montrer un autre tatouage, sur ses pieds (upj du 20 février 2008).
Un ami n'a pas besoin d'explications pour savoir ce qu'il doit faire
Le temps de prendre ma photo du jour, je me fais subtiliser casque, gants et lunettes. Maudite passion aveugle.
Nous aurions pu organiser un strip-tease au cimetière, au risque de voir les tombes s'ouvrir et des morts pour être au premier rang.
C'est de la triche, cette photo je l'ai prise à minuit onze...
La Crau (Var)
J'aime imaginer comment la vie était autrefois... Ce qu'il s'est passé, à des endroits où plus personne ne va aujourd'hui, ce qu'ont vécu des gens, dont plus personne ne parle...
La Crau (Var)
La chance d'avoir de l'eau en abondance et qu'elle soit chaude! (surtout avec les températures du dehors!)