GE - Une photo par jour

Genève - 11 heures 03

Jean, sac à dos, débarque. Il a passé toute la nuit en l'air après avoir passé trois mois en Asie. Bonheur des retrouvailles, déballage des anecdotes, frétillantes comme autant de sardines prises dans les filets du souvenir. 

 

-On se fait une terrasse ? 

 

Partons mettre nos nez au soleil et les langues dans le café. Parlons de la mort puisqu'on ne peut pas parler de l'intensité d'être sans inviter dans la conversation l'inéluctable mystère de la disparition. 

 

-Est-ce qu'en vieillissant on ira vers plus de sérénité ? 

-Alors là, ne pense pas.  

-Ah bon 

-La mort c'est quand même une expérience stressante quand on prend de l'âge... 

-... 

-Non, il faut l'accepter. Vivre et mourir sont inséparables - nous lance une jeune femme qui fume avec élégance dont le haut du dos est entièrement tatoué - excusez-moi d'être si directe, je peux me rapprocher ? 

-Vous avez raison, vous avez raison ! - surenchérit notre voisine de gauche accompagnée d'une grosse valise bleue. Je peux venir m'asseoir avec vous aussi ? 

 

Et nous voilà quatre, à la même table, au soleil, à parler de la mort, du bonheur d'être vivant, des mexicains, qui eux, ont tout compris et célèbrent vie et mort conjointement, etc... 

 

-J'ai eu cancer de la thyroïde dit la jeune femme tatouée, depuis... depuis j'ai envie de dire aux gens « Mais réveillez-vous, vivez ! vivez ! 

-Oui, oui... Opinons-nous tous du bonnet. Vous avez raison. 

 

Puis intervient la dame à la valise, pudiquement, en souriant : 

 

-Je pars à Bordeaux en vacances... mon train est retardé... et c'est tant mieux... ça me fait plaisir de parler avec vous... Moi... je suis morte à quinze ans... morte pendant une minute et quarante cinq secondes... sur une table d'opération...

[Francis Traunig]

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