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Je suis parti pleins d'illusions, je suis arrivé pleins de désillusions ! Non pas que cette aventure m'est déplu, au contraire, mais parce que ce n'était pas ce que je m'étais imaginé au départ. J'ai aimé la partie française ainsi que le Camino aragonès de Jacca à Puenta-la-Reina pour les rencontres que j'ai faites et le fait que j'ai cheminé pratiquement seul sur les premiers 800 km. Côté français, la plupart des gîtes étaient agréables et j'ai surtout bien mangé car certains logeurs se donnaient vraiment de la peine pour ravir les babines des pèlerins. À certaines occasions j'ai encore trouvé un esprit du Chemin. Par contre, côté espagnol, depuis Puenta la Reina le Chemin est devenu surfréquenté et international. À partir de là mon esprit a été perturbé par tout ce monde. Je me suis dit quelquefois « mais qu'est-ce que tu fous-là ». Il m'a fallu plusieurs jours pour m'adapter à ce barnum « spirituel ». De purement spirituel qu'il était au Moyen Ãge, le pèlerinage de Compostelle est devenu touristique, c'est pourquoi on rencontre des gens qui font le Chemin comme s'ils allaient passer quelques jours à Ibiza ou à la Costa Brava. À cela s'ajoute l'aspect économique, car le chemin ne coûte pas cher : on va à pied ou à vélo et l'on fait l'étape dans des albergues peu onéreuses (j'ai payé 7 euros la nuit en dortoir dans des albergues municipales ou paroissiales).
À Moissac, j'ai vu des gens sortir du coffre de leur voiture (Mercédes) des sacs de randonnées et parcourir deux cents mètres jusqu'à l'Ancien Carmel. Arrivés à la réception ils ont fait croire qu'ils avaient fait le Chemin et qu'ils étaient exténués. Tout ce cirque pour ne pas se payer une chambre d'hôtel. Actuellement certains grippe-sous ont compris l'astuce. Et c'est ces gens-là, qui, le soir à table, on la gueule ouverte.
[Jean-Louis Claude]