GE - Une photo par jour

Expo: "Mine…"

Un flâneur exigeant et systématique 

L'exposition « Mine…» fait partie du projet Ville-Visage, commencé par Guy Wouete à Cotonou il y a deux ans et poursuivi à Bamako, avant d'autres capitales africaines. Un projet mené dans une logique de pélerin plutôt que de voyeur : à travers les photographies, les peintures ou les vidéos, ce n'est pas l'extraordinaire qui est recherché, mais le banal, le quotidien des scènes de rencontre avec l'étranger. Au fil des voyages et des travaux, les impressions des villes se confondent et se superposent. Douala, Cotonou, Bamako. Medellin, aussi, une ville latino-américaine réputée pour sa violence, où l'artiste a résidé pendant plusieurs mois. Flâneur 

Traduire la ville 

Les photos sont prises au hasard des déambulations, parfois volées, parfois consenties. L'enfant fasciné par les gestes du photographe de studio quand sa mère l'y emmenait pour des poses, qui fréquentait en secret les vidéoclubs et rêvait de devenir scientifique à la NASA, s'est formé aux métiers de l'image. Dès lors, le souci de témoigner rejoint la fascination des images de films, tenues en mémoire depuis l'enfance. Comment montrer l'identité d'une ville ? Comment traduire ce qui s'en dégage ? Pourquoi, trop souvent, apparaît-il dans les images comme un sentiment de déjà-vu ? Il faut introduire du mouvement, travailler de manière plus conceptuelle : la photo n'est plus seulement une prise de vue, elle devient médium de recherche. La vidéo l'installe définitivement dans un rapport expérimental. 

 

La peinture, elle, s'insère dans le travail sans rapport a priori aux impressions recueillies à travers les photographies : c'est l'émotion du moment, la survenue d'un fait d'actualité qui la motivent. D'où les fonds parfois plombés, parfois transparents, les explosions de couleurs, l'objet meurtrier sorti de son contexte et emblématisé. C'est cela qui fait sens. Nul besoin de s'étendre dans les explications. La posture artistique est assumée : on ne s'exprime jamais que depuis là où l'on est.  

Terrains minés 

Chaque ville connaît son lot de violence. Mais l'impression n'est pas la même au contact des personnes rencontrées. Les discussions dans les petits parcs de Medellin appellent un savoir-vivre qui conjure la brutalité des faits. Impressions trompeuses ou réelles antidotes ? La vie continue, même si en sous-main, le destin frappe. Au hasard, ou de manière systématique. Les traits répétitifs sur la toile, ce sont les alignements des personnes qui ne se relèveront pas.  

Bamako va plus doucement. On s'y sent à l'écart de la vitesse des autres capitales du continent. D'où peut-être cette impression d'originalité, de vrai dans le vécu des gens, aussi bien dans les bons jours que dans les moments critiques. Au Cameroun, les jeunes ne sont pas positifs vis-à-vis de l'avenir, mais ambitieux pour eux-mêmes. Il n'y a personne qui incarne ce rêve d'avenir, d'un avenir qui pourrait être meilleur.  

Ce rêve, c'est peut-être celui de la petite Aïcha de la vidéo « Imminent tsunami ». Son entrée en résistance, son effort quotidien pour réduire l'écart entre un présent hypnotique et un avenir qui serait inaccessible. Car le futur n'est pas ailleurs, il est dans cet entre-deux, il est là où nous étions quand nous étions chez nous : « là-bas ici ».  

 

Dominique Schoeni, d'après les propos de l'artiste

[Guy Wouete]

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