GE
La tête de Big Foot sculpture de Idan Zareski
Fin de mon périple sur le chemin de Compostelle – Après un incident technique qui m'est arrivé le 28 mai à l'Alto do Poio où suite à une mise à jour de mon ordi Krüger&Matz, j'ai tout perdu mes documents photos et textes et dans l'impossibilité de mettre mes photos sur Uneparjour et sur mon ordi.
Je vais donc, faire un résumé de ses 81 jours de marche et dire ce que je pense de ce chemin touristique surfréquenté de « TOURIGRINOS » comme disent les espagnols et où l'esprit du chemin primitif est perdu à tout jamais au profit de « TOURISTES CONNECTÉS DÉCONNECTÉS QUI SE DÉVERSENT COMME UNE BILE ACIDE SUR DES LIEUX SACRÉS GUIDÉS ET CONSEILLÉS PAR DES YOUTUBEURS ET DES TOUR-OPERATOR DIRIGÉS PAR DE PUISSANTS COUILLONS ».
Après avoir cheminé 800 km sans grand monde sur la Via Podiensis (GR 65) puis le Camino Aragonès (voie d'Arles) j'ai rejoint Puenta-la-Reina par un jour de pluie torrentielle où les quatre voies françaises se rejoignent. Là, j'ai eu un choc ! Je me suis retrouvé sur une route boueuse encombrée de marcheurs à la coquillette et de vélos qui en majorité étaient partis de Saint-Jean-Pied-de-Port ou Pampelune. À partir de cette étape, le Chemin pour moi n'a plus du tout eu la même signification. Je n'avais jamais eu de problème pour me loger, mais pour la première fois à Puenta-la-Reina tous les établissements pour pèlerins et touristes étaient complet. Certains étaient déjà réservés six mois à l'avance. Heureusement j'ai pu trouver une chambre libre dans un hôtel (la dernière) où j'ai décidé de rester deux jours afin de me remettre de mes émotions et faire le point à mi-chemin de mon périple.
J'ai réalisé les 1535 km sans applications, sans smartphone, sans GPS, sans cartes et je m'en suis très bien sorti, et surtout j'ai pu comprendre ce que la marche pouvait vous apporter pour le corps, les articulations, pour le cœur, pour l'esprit, pour tout.
J'ai pu lors de ce « pèlerinage » constaté que la majorité, la grande majorité des touristes à la coquillette que j'ai rencontré sont des drogués aux smartphones, aux applications, aux écrans et aux réseaux sociaux ainsi qu'à leur lieu de vie qu'ils ne peuvent pas ne serait-ce qu'un jour se déconnecter. C'est triste, très triste, car justement faire un pèlerinage comme celui de Compostelle, c'est justement fait pour se libérer des contraintes du passé et ne pas penser aux contraintes de l'avenir qui pourraient nous attendre. C'est vivre au présent, lâcher prise et profiter de chaque petit moment qui vous est offert.
Les gens ne vivent plus par eux-mêmes, ils vivent aujourd'hui par procuration, c'est inquiétant pour l'avenir et c'est réjouissant pour les futurs dictateurs de ce monde. L'addiction digitale est aujourd'hui bien présente. Le mantra orwellien « Big Brothers is waching you » devient une réalité, on ne peut plus faire un pet sans que la planète soit au courant.
J'ai eu un exemple lors de mon Chemin de ce qui pouvait arriver, à une petite échelle, quand ce monde connecté, bug ! Quand tout s'arrête car la machine infernale des nouvelles technologies est en panne.
Je me trouvais sur le Camino Aragonais le 28 avril, en pleine campagne quand il y a eu la fameuse panne d'électricité paralysant toute l'Espagne. Des millions de personnes sont prises au dépourvu, ce fut un bordel total et une panique chez ces chers pèlerins qui avaient préparé leurs séjours 6 mois à l'avance (certains 1 année) et qui ne pouvaient plus accéder à leurs réservations, ne pouvaient plus contacter les gares, les aéroports et qui perturbait leur séjour de 10, 15 jours que leurs agences de voyage leur avaient préparé.
Ce jour-là, les utilisateurs d'Internet se trouvèrent complètement déconnectés. Plus moyen de payer avec une carte, avec Twint. La panne générale avait paralysé les paiements dématérialisés des grandes enseignes, des magasins, des restos, des hôtels, etc. Seul ceux qui avaient de l'argent liquide (comme moi) n'ont pas eu de problème.
J'ai appris la panne quand je me trouvais sur la terrasse d'une auberge dans un petit village aragonais qui dominait la vallée. Le resto ne pouvait plus faire à manger, mais comme je suis végétarien et que j'avais de l'argent liquide, il a pu me faire une bonne salade mêlée que j'ai dégusté avec un bon « vino tinto ». Seul bémol, la machine à café ne fonctionnait plus.
On nous dit que les nouvelles technologies sont là pour nous faciliter la vie. On nous prend vraiment pour des cons. On devrait comme l'alcool pouvoir s'en servir avec modération, mais vu comme c'est parti, j'ai vraiment des doutes sur l'avenir et la bonne marche de notre planète. Une grande partie de notre humanité est en train de se transformer en pantin, esclave de sa propre connerie.
Je suis parti pleins d'illusions, je suis arrivé pleins de désillusions ! Non pas que cette aventure m'est déplu, au contraire, mais parce que ce n'était pas ce que je m'étais imaginé au départ. J'ai aimé la partie française ainsi que le Camino aragonès de Jacca à Puenta-la-Reina pour les rencontres que j'ai faites et le fait que j'ai cheminé pratiquement seul sur les premiers 800 km. Côté français, la plupart des gîtes étaient agréables et j'ai surtout bien mangé car certains logeurs se donnaient vraiment de la peine pour ravir les babines des pèlerins. À certaines occasions j'ai encore trouvé un esprit du Chemin. Par contre, côté espagnol, depuis Puenta la Reina le Chemin est devenu surfréquenté et international. À partir de là mon esprit a été perturbé par tout ce monde. Je me suis dit quelquefois « mais qu'est-ce que tu fous-là ». Il m'a fallu plusieurs jours pour m'adapter à ce barnum « spirituel ». De purement spirituel qu'il était au Moyen Âge, le pèlerinage de Compostelle est devenu touristique, c'est pourquoi on rencontre des gens qui font le Chemin comme s'ils allaient passer quelques jours à Ibiza ou à la Costa Brava. À cela s'ajoute l'aspect économique, car le chemin ne coûte pas cher : on va à pied ou à vélo et l'on fait l'étape dans des albergues peu onéreuses (j'ai payé 7 euros la nuit en dortoir dans des albergues municipales ou paroissiales).
À Moissac, j'ai vu des gens sortir du coffre de leur voiture (Mercédes) des sacs de randonnées et parcourir deux cents mètres jusqu'à l'Ancien Carmel. Arrivés à la réception ils ont fait croire qu'ils avaient fait le Chemin et qu'ils étaient exténués. Tout ce cirque pour ne pas se payer une chambre d'hôtel. Actuellement certains grippe-sous ont compris l'astuce. Et c'est ces gens-là, qui, le soir à table, on la gueule ouverte.